SÉSAME ASBL - Société, spiritualité, éthique, santé mentale
Médecin, auteur de nombreux ouvrages, Jean-Guilhem Xerri s’exerce ici, après avoir reçu en 2014 le prix de l’Humanisme chrétien, à un nouveau champ réflexif, celui de la spiritualité qu’il veut en articulation entre la pensée séculière – mais également la plainte de l’homme moderne – et la tradition chrétienne, en vue de proposer un « remède » à tant de souffrances psychiques touchant nos contemporains, celui de l’intériorité.
À travers un langage imagé et très abordable, il y parvient plutôt bien à travers les cinq chapitres déployés s’interrogeant, d’une façon transversale, sur ce dont les hommes et les femmes d’aujourd’hui ont à être « soignés » de leur mal-être, et par qui. Manifestement, tout ne dépend pas de la médecine et de ses seuls référentiels techniques. Le livre comporte deux aspects : un théorique, ouvrant à ce qui constitue et caractérise notre intériorité, la part spirituelle qui nous habite, l’autre pratique, offrant des points d’appui concrets en vue de cultiver une écologie intérieure. Dans un premier chapitre, il s’agit tout d’abord d’aller à la rencontre de l’humain :
qui est-il lorsqu’il se trouve décrit non plus par les psychanalystes, sociologues et linguistes mais bien par des biologistes, des cognitivistes ou des cybernéticiens ? L’approche anthropologique s’avère de nos jours centrale car elle modèle conjointement le statut du thérapeute, les moyens mis en œuvre pour la guérison lorsque l’humain se trouve, de nos jours, réduit au fonctionnement de son cerveau et de ses gènes.
Dans cet ouvrage collectif, sept clinicien.ne.es-psychothérapeutes prennent successivement la parole avec ce même but : réconcilier une approche psychique de la maladie grave avec le corps. Ils le font à partir de leurs lieux cliniques diversifiés, voire même leur histoire personnelle ; ce qui donne un aperçu du niveau d’engagement des réflexions partagées.
Si ce livre veut d’abord s’adresser aux « psy » de tous ordres, il aide conjointement à la réflexion en ce qui concerne la sollicitation de la dimension psychique comme herméneutique de l’expérience de la maladie, au risque, parfois, de l’oubli du corps. Sans suivre nécessairement l’ordre des réflexions proposées, ce nécessaire lien vie du et en le corps-vie psychique se déploie, nous semble-t-il, dans trois registres différents, mais complémentaires dont nous aimerions rendre compte des principales intuitions des auteurs : l’accompagnement psychique de la maladie grave au cœur de la médecine contemporaine, le vécu de la personne malade, le vécu du clinicien si la maladie cancéreuse est bien également une expérience de liens interpersonnels.
Que vit la personne atteinte d’un cancer au cœur de la médecine contemporaine? Le risque est parfois grand, de nos jours, d’en faire une « maladie mentale » et de craindre d’en parler ; or tout silence empêche radicalement toute forme d’accompagnement. Ce sont toutes ces formes de déni qu’une médecine centrée principalement sur l’efficacité thérapeutique aura tendance à toujours renforcer dans un rapport au corps-objet, trop souvent dé-subjectivé de la personne qui l’habite et le porte. Cette visée d’efficacité se manifestera parfois par une « protocolisation » de la vie psychique, dans cette même visée d’un « faire » qui, ultimement, construira « un trouble » psychique, et donc une autre action possible.
Ouvrage faisant suite à une journée de l’École doctorale de théologie et de sciences religieuses à l’université de Strasbourg, il nous propose, outre la préface de R. Heyer, cinq interventions marquantes ayant trait à la notion de vulnérabilité. Elles en montrent les enjeux contemporains, tout en déplaçant parfois le lieu d’origine de son émergence ; ce qui fait l’enjeu le plus original de cette publication.
Le premier texte, le plus intéressant de notre point de vue, est proposé par Nathalie Maillard. Elle invite à réfléchir la dimension anthropologique de la vulnérabilité pour en percevoir, avec Lévinas et Ricoeur, ses répercussions éthiques. En ce sens, elle se demande pourquoi la vulnérabilité – dimension si essentielle et naturelle de toute vie – a été si longtemps absente du questionnement éthique. À travers une relecture passionnante de la tension entre autonomie et vulnérabilité, elle insiste sur les dimensions d’état et de visée permettant d’ouvrir à une éthique du care comme soin donné à autrui, faisant de la condition vulnérable une dimension éthique centrale de l’appel et de la confiance, ouvrant à une éthique des capabilités.
Vraiment, un très beau parcours réflexif ! Thierry Collaud propose également une réflexion très intéressante sur le lien à établir entre vulnérabilité et bien commun : la dimension communautaire de cette dernière devient une invitation à s’ouvrir spontanément à ce dont autrui a besoin, supposant entre les humains un processus de reconnaissance mutuelle. Le bien commun dépasse de la sorte sa seule dimension contractuelle pour devenir l’espace d’un engagement mutuel. La troisième contribution permet à Henri Moto de partager les enjeux de sa récente thèse de doctorat traitant du lien entre l’accès à l’eau et la problématique des vulnérabilités sociales.
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